Le dirigeable volait tout doucement, semblant flotter dans l’air dans un silence et un calme plus qu’apaisants. Le PDG des Zorin Industries se trouvait à bord de ce dirigeable fièrement flanqué du logotype de l’entreprise qui portait son nom. Il était assis, les jambes croisées, un verre de brandy en cristal finement ciselé dans la main droite, et une feuille portant nombre d’annotations, dans la main gauche. Il relisait certaines de ces spécifications avant chacune de ses visites dans ses usines ou ailleurs. Car, un vrai homme d’affaire, un vrai dirigeant d’entreprise, ne se contente pas de serrer des mains, mais doit aussi parler. Le charisme et la prestance nécessaires, il les possédait, encore fallait-il savoir que dire. C’est pourquoi, il se préparait toujours quelques fiches pour compléter ses qualités. La porte du petit salon volant dans lequel il se trouvait coulissa pour laisser entrer une jeune femme élégamment vêtue d’un tailleur anthracite et coiffé d’un chignon dont on devinait qu’elle avait mis quelques temps à l’effectuer, mais au résultat impressionnant. Elle s’assit dans un des larges fauteuils de cuir dessinés par Maximilien lui-même et qui complétait la décoration Art Déco de son dirigeable personnel, orné d’œuvres d’arts et de meubles de grande valeur.

-Max, nous allons bientôt atterrir à l’usine de Seattle. Tu as besoin d’autre chose ?
-Ça ira Agathe, merci. Dit-il en reposant son verre sur la table. Je vais me préparer.

A ces mots il se leva et se dirigea vers le fond de la gondole de son imposant dirigeable –qui faisait partie d’une petite flottille- et s’enferma dans un petit cabinet de toilette. Il réajusta son nœud de cravate, vérifia une dernière fois certains détails qui n’apparaîtraient sûrement pas aux yeux du monde mais que lui ne manquait pas de remarquer et qui l’horripilaient. Lorsqu’il ressortit, il put observer la ville de Seattle par les vitres, et eut un étrange sentiment de domination, comme il surplombait tout cela. La zone industrielle approchait, et le dirigeable allait bientôt être amarré. Une fois toutes les petites formalités d’amarrage terminé, il sortit de l’engin qui était maintenant immobilisé au sol, suivi d’Agathe qui tenait un support de cuir noir que lequel se trouvaient attachées quelques feuilles, destinées à des prises de note durant la visite de l’usine. Zorin salua les dirigeants de l’antenne locale de sa multinationale, et se dirigea vers les bureaux d’où commencerait sa visite. S’il avait choisi ces locaux en particuliers, c’est parce que c’est ici même qu’étaient produites ses nouvelles puces bio, inventions totalement novatrice et première du genre dont il détenait tous les brevets. Cette formule était avantageuse par son bas coût de production et son haut rendement, dû à l’attraction qu’exerce ce petit logo vert sur les consommateurs qui essaient sûrement de se donner bonne conscience de cette manière. Le bâtiment des bureaux vers lequel se dirigeait maintenant notre homme d’affaire était assez moderne et vitré et attenait aux bâtiments de production récents eux-aussi. Le complexe se trouvait hautement surveillé, par des vigiles et caméras de surveillances et ne laissaient aucune place à de malencontreuses intrusions d’espions industriels ou gouvernementaux qui ne manquaient pas de lorgner sur l’important patrimoine électronique de Zorin Industries. En arrivant dans le hall au sol de marbre et portant un immense logo «Zorin Industries» au mur, Max rencontra encore quelques personnes avant de continuer sa route vers les bureaux. Il reviendrait plus tard dans ce hall, quand sa visite serait terminée et qu’il partagerait un petit apéritif avec ses collaborateurs. En attendant, il arpenta les différents services en posant des questions de routines et en échangeant des banalités sur la pluie et le beau temps, la plupart de ces visages lui étaient familier, cependant, il en est plusieurs nouveaux qu’il remarqua, étant très physionomiste, ce genre de détail ne pouvait pas lui échapper. Il demanda donc tout naturellement à ces personnes leur nom, depuis combien de temps elles travaillaient ici, si cela leur plaisaient, et cetera. Il réitéra ces mêmes questions lorsqu’il arriva en face d’un jeune homme de type caucasien, grand aux cheveux bruns, au physique qui ne semblait pas laisser indifférente la jeune secrétaire juste à côté de lui. Il était rare de trouver une personne semblant aussi athlétique, travailler dans les bureaux d’une succursale.

Arrivé donc face à ce nouveau visage, Max attendit quelques instants la réponse de ce nouvel employé. Ce dernier lui demanda, dans un effort de politesse, s’il pouvait aider le PDG. Ce dernier manqua de sursauter à cette réponse, mais l’attribua au manque d’ancienneté du jeune homme, au vu de sa musculature, il travaillait sûrement dans un club de sport auparavant et ne connaissait donc rien des us et coutumes des grandes entreprises. Il lui sourit donc, toujours aussi affable qu’il pouvait l’être avant de lui répondre.

-Cela fait longtemps que vous travaillez ici ? Je ne vous ai pas vu lors de ma précédente visite.

Il marqua une pause et adressa un sourire à tous les autres employés présent dans la salle, il avait tout à coup l’étrange impression d’être un chef d’Etat visitant ses concitoyens, un roi visitant ses sujets, il sentait la supériorité qu’il avait par rapport à tous ceux présent ici, par rapport à ces secrétaires, assistants, standardistes ou autre, il sentait qu’il représentait tout pour eux, il leur offrait un emploi, la sécurité, mais qu’eux, ne représentaient rien, en tout cas pas grand-chose, pour lui, cette dépendance qui ne marche que dans un sens avait pour Maximilien une saveur agréable, celle de la victoire et de la réussite. Il chassa bien vite toutes ces voluptueuses pensées pour se concentrer d’avantages sur ce qu’il était venu faire ici. Il attendit quelques instants avant d’enchaîner.

-Ce travail vous plait j’espère ? Vous n’êtes pas trop mal traité ?

L’homme d’affaire ria de son rire si particulier et tenta d’installer un climat de confiance entre lui et ses employés, il ne fallait surtout pas que ces derniers se sentent mal à l’aise, c’est pourquoi il lui arrivait souvent de rire avec eux, même sur des choses pas bien drôle, tant qu’ils riaient, c’était le principal, la confiance était là et sa popularité accroissait, ce qui était très important pour Zorin qui avait bien besoin de ça pour gérer sa multinationale sans pertes ou autres problèmes. Cependant, cette fois-ci, c’est dans l’autre sens que la confiance ne passait pas, de l’employé vers l’employeur que la méfiance se créait, Zorin sentant quelque chose d’étrange chez cet homme, cependant, il s’employait à dissimuler son appréhension afin d’éviter de nourrir des soupçons, il valait mieux pour tout le monde qu’on ne sache rien de ce que cachait chacun de ces deux hommes, dans tous les cas, l’homme d’affaire savait bien des choses qui pourrait presque tout lui permettre, on jouait à un jeu dangereux en s’attaquant à un homme comme lui, et tous les gens haut placé le savaient, il n’y avait donc pas beaucoup de risques.

Mes craintes se confirmèrent quand cet homme me demanda si ça faisait longtemps que j’été ici en tant qu’employé... Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir lui répondre sans qu’il soupçonne que je lui mente ?! Ah je sais ! Je vais lui dire que je travaille ici depuis seulement deux jours. Comme ça, non seulement, il ne se méfiera pas mais en plus, je pourrai espionner de fond en comble son industrie. Il fallait que j’aille dans les pièces au fond de cette salle, sans que cet homme s’imagine quoi que ce soit.

En tant qu’espion expérimenté, je savais parfaitement où aller sans me faire repérer par les gardes de sécurité de cette grande industrie. Je n’en avait jamais vu d’aussi grande avant celle-ci. Ce PDG tenait énormément a ses employés, vu son air... Enfin, je lui répondis de nouveau tout en ne perdant pas de vu mon objectif. Sans qu’il ne sache rien, évidemment ! Je n’allais quand même pas me faire prendre dès le début, ça serait vraiment con...

Depuis quatre jours, monsieur. J'été très occupé avant, c'est sans doute pour ça que vous ne m'aviez pas encore vu..

Oui enfin bon, autant mentir sans qu’il ne se méfie, que de dire la vérité et qu’il découvre que je suis un espion.

Ce travail me plaît assez, en effet monsieur.

C’était même assez ennuyant pour tout dire, mais je n’allais pas lui avouer que ce travail était une couverture pour mieux repérer les lieux avant d’agir.

La réponse de son jeune interlocuteur tombait sous le sens, s’il travaillait là depuis quatre jour, il ne pouvait pas l’avoir déjà vu, étant donné que la dernière fois que Maximilien avait mis les pieds dans cette usine charnière pour l’activité économique de Zorin Industries, c’était il y a deux mois. Cependant, le nombre d’usine de sa société de par le monde, plus sa banque et toutes ses autres activités auraient pu lui faire oublier un visage, après tout, un petit employé de bureau est insignifiant aux yeux du milliardaire, bien qu’il fasse tout pour empêcher ses propres employés de penser cela, et il réussissait plutôt bien à ce jeu de dupe dirait-on. Enfin, la réponse que lui fournit le jeune homme à sa seconde question fut assez attendue, en effet, qui aurait osé dire à ce chef de transnationale très puissant qu’il trouvait que travailler pour lui était un calvaire ? Il gratifia d’un sourire cet employé qu’il n’avait nul besoin de connaître plus avant, bien qu’il lui eut réussi à éveiller quelques soupçons de la part de Zorin, qui en général arrivait avec facilité à trouver qui lui voulait du mal, cependant, ses soupçons sur cet employé étaient sûrement infondés se dit-il. Il poursuivit donc sa route en continuant de saluer, de discuter ou de complimenter tous ces gens qui travaillaient dans cette usine de Seattle, tâche qu’il n’appréciait pas particulièrement mais qu’il exécutait consciencieusement. Avant de passer dans la pièce suivante, Max jeta encore un coup d’œil derrière lui à cette mystérieuse personne et quitta la pièce en espérant qu’il n’aurait pas à recroiser cette personne, qui semblait si impérieuse et difficile à contrôler dans des circonstances plus mauvaises. Il était, comme beaucoup de riches industriels, un homme qui n’appréciait guère la contrariété. Il poursuivit cependant sa visite, oubliant bien vite le soupçon qui s’était éveillé en lui lorsqu’il avait croisé ce nouvel employé. Il ne remarqua même pas que ce dernier était désormais libre de ses mouvements puisque le PDG n’était plus là, et ne s'en souciait plus guère.

Pendant que Zorin pouvait observer la nouvelle ligne de fabrication, l’une des plus sophistiquée en la matière, et que ses employés lui ciraient les bottes pour le dire ainsi, Alan, agent de sécurité, prenait encore plus sérieusement son travail que si le PDG tout puissant n’était pas là. Aucun détail ne pouvait échapper à cet agent de sécurité en poste depuis plus de six ans, qui fréquente la salle de musculation quatre fois par semaine et qui s’entraîne au tir assez régulièrement. Il guettait devant la seule et unique porte qui permettait d’entrer dans l’une de salles les plus importantes de cette usine puisqu’elle contenait quelques dossiers, documents et autres affaires qui ne méritaient sûrement pas d’être dévoilées au grand public. Regardant un instant son reflet dans quelque objet réfléchissant, il remarqua que son coéquipier, Alfred, un gars assez violent si on le contrarie, mais son grand ami depuis bien longtemps, n’était plus là. Au début, il manqua d’appuyer sur ce petit bouton de son transmetteur radio qui permet d’appeler des rescousses si on sent le danger venir, mais il se dit finalement que ce dernier avait dû prendre sa pause. Il fut cependant étonné lorsqu’il aperçut un nouveau, un petit jeunot qu’il n’avait jamais vu ici, arriver à la place de son coéquipier. Il lui lança un regard soupçonneux et menaçant, s’approcha de lui.

-T’es le nouveau c’est ça ?

Il attendit une réponse de ce dernier, et, une fois qu’il l’obtint, retourna à son poste en regardant dans une autre direction d’où venait un bruit énigmatique et suspicieux, tournant le dos à son nouveau coéquipier en qui il n’avait aucune raison de ne pas faire confiance…