Encore une journée à se faire chier.

Voilà ce que pensait Diana, en cette morne journée, pluvieuse et grisâtre. D'ordinaire, ce temps plaisait à la jeune femme. Cela lui permettait de se camoufler. Lorsqu'il pleut, les gens se depêchent de rentrer avant d'être mouillés, et rien ne leur importe plus que leur petite personne. Mais aujourd'hui, ce temps irritait l'agent 008. En effet, aujourd'hui, elle était de service au QG. Or, depuis quelques temps, il n'y avait rien à y faire. C'était vide, mort, et aucun méchant machiavélique n'avait eu la bonne idée de planifier un attentat terroriste dans les prochaines 24 heures. Elle avait passé sa matinée, assise à un bureau, attendant des ordres qui ne venaient pas, ou alors à remplir la cafetière pour des types avec des têtes de geeks qui restaient devant un écran toute la journée. Certes, c'était pour la bonne cause puisqu'ils fabriquaient des gadgets qui pourraient potentiellement lui sauver la vie mais bon... Quand il n'y a pas de méchant, les gadgets sont inutiles.

Elle n'était pas une femme dont on pouvait exiger qu'elle fasse la cuisine, la vaisselle ou bien la lessive. Ni même remplir une cafetière pour des andouilles, aussi intelligentes qu'elles puissent être. Une agent 00 comme elle ne pouvait pas être reléguée à un rôle de décoration du style plante verte dans un bureau. Mais les consignes étaient strictes. Elle devait se présenter au travail, et si il n'y avait rien de palpitant à accomplir, c'était tant pis pour elle.

Subitement, elle ne supporta plus l'air étouffant de la petite pièce où elle se trouvait, et sortit prendre l'air, s'appuyant contre la façade de l'immeuble. De là où elle était, elle pouvait voir qui entrait et qui sortait. Or il se trouvait qu'un homme entrait. Il avait d'ailleurs la même arme qu'elle.

Hééééé ! On dirait le même que le mien ! Un Sig 228 !

N'ayant rien de mieux à faire, elle décida de le suivre et de lui parler. Comme à son habitude, elle ne se fit pas remarquer, et suivit le jeune homme jusqu'à la caféteria, où il s'absorba dans la lecture d'un journal. Pas le plus passionant selon l'avis de Diana, mais ce n'était pas ses affaires. Heureuse de ne plus jouer le rôle d'un pot de fleur, elle se dirigea vers la table d'un pas martial et s'assit sur la chaise en face de son inconnu.

- Salut ! Diana Carlton.

Il leva les yeux de son journal, se demandant sans doute qui était cette cinglée.
La jeune femme ne se laissa pas démonter et poursuivit sans le laisser le temps d'en placer une.

- Tu peux aussi m'appeler 008. T'es nouveau ici ? J'ai jamais vu ta tête avant. C'est pas normal. Je devrais connaître tout le monde. Et puis j'ai le même flingue que toi. Le rapport ? Aucun. Mais j'avais envie de te le dire.

Enfin, elle se tut, laissant la parole à ce plutôt beau jeune homme.

La réaction fut immédiate suite à l'invasion de son interlocutrice, un haussement de sourcil tout aussi interrogateur que surpris. Il rassembla rapidement ses esprits qui étaient encore en train d'analyser la situation géopolitique mondiale avant d'entreprendre d'observer la jeune femme en face de lui terminant sa tirade pour le moment...
Il posa son journal avant de prendre une gorgée de thé pour s'éclaircir la gorge, le geste semblait anodin aux yeux d'une personne non entrainée mais il venait mine de rien de gagner quelques secondes avant de répondre

« Salut moi c'est Adam... Cooper » Il marqua une pause avant de reprendre d'un air détaché mais avec un léger sourire mystérieux « J'ai quelques mois au sein du MI6 maintenant mais il est possible que vous ne m'ayez jamais vu après tout vous êtes un agent 00, je ne suis qu'un simple agent de terrain »

Cela faisait bizarre de vouvoyer quelqu'un qui avait une dizaine d'années de moins que soi pourtant elle était sa supérieure de par son rang et il venait simplement d'échanger quelques mots, l'usage voulait que l'on garde un certain respect (même si d'accord il n'y a pas de différence entre you et you en anglais)

« Sinon je connais pas mal de monde qui utilise le P228, il s'agit d'un arme de dotation dans l'armée régulière. Mais quel bon vent vous amène Miss Carlton ? Vous n'êtes surement pas venu aborder un inconnu parce qu'il a la même arme de service ? »

Diana esquissa un petit sourire en voyant son interlocuteur boire une gorgée de sa boisson avant de lui répondre. La technique classique pour gagner du temps. Ne savait-il donc pas quoi lui dire ? Aurait-il oublié son prénom ? Le MI6 recrutait-il vraiment n'importe qui ? C'était quand même bizarre... A moins que ça ne soit une technique à deux balles pour faire monter le suspens, ce qui serait totalement stupide, parce que sa vie ne dépendait pas du fait qu'elle sache son prénom ou pas.
Heureusement ses doutes furent vites balayés lorsqu'il finit par prendre la parole. Adam Cooper. Ce nom ne lui disait rien. En même temps, c'était normal s'il n'était la que depuis quelques mois. Elle avait été souvent en mission ces derniers temps ( Ô époque bénie où elle ne s'ennuyait pas à mourir !).

- Tu sais, il n'y a pas de simple agent. Tout le monde est important, parce que chacun contribue au bon accomplissement des missions. Si t'a pas compris ça, je me demande ce que tu fais là ! Néanmoins, ravie de te connaître ! Et puis tu peux me tutoyer ! Je ne vais pas te bouffer. Normalement...

Elle écouta la suite du discours de Cooper, à propos de son arme. Bien sûr qu'elle savait que c'était une arme courante ! Elle cherchait juste un sujet de conversation ! Enfin bon... Vint le moment délicat où Adam lui demanda pourquoi elle était venue le voir. Elle ne pouvait pas décemment lui expliquer que, s'emmerdant profondément en jouant les pots de fleurs de service, elle l'avait suivi, pensant pouvoir s'occuper un peu plus intelligemment... Elle chercha quelques instants une formulation plus délicate.

- Je sais que c'est assez répandu. Mais ça fait toujours un sujet de conversation non ? Et puis, il se trouve que je suis en service aujourd'hui, mais... Disons que... Euh.. Nous avons déjà beaucoup d'agents sur le terrain !

Bravo ! Quelle formulation ! Tu passe pour une débile profonde maintenant !

La demoiselle ne supportait pas de passer pour une abrutie. Qu'est-ce qui lui prenait de bégayer ? Prise d'un subit énervement enver elle-même elle se leva.

- Excuse moi deux minutes.

Elle se rendit à la machine à café et prit un chocolat chaud, avec plein de sucre, afin de redonner un peu de peps à cette journée qui commençait vraiment à traîner en longueur, selon elle. Si il se la jouait je-suis-un-mec-mysterieux-et-trop-cool pendant le reste du temps, ça allait vite l'enerver. Mais pour l'instant, elle devait respirer et se calmer. Cooper ne lui avait rien fait après tout. Elle but son chocolat vite fait et s'en reprit un autre avant de retourner s'asseoir à table.

- Pardon. Il me fallait ma dose.

La jeune femme sirotait son chocolat tranquillement, son esprit dérivant totalement dans une espèce de monde parallèle où le sucre était roi et des petits lutins dansaient la samba. Bref, elle n'était plus vraiment dans la conversation, même si elle sentait le regard scrutateur de l'agent posé sur elle. Ca en devenait presque effrayant. Un peu comme elle en fait. Etait-il réellement un simple agent ? La détermination qu'elle sentait dans son regard lui mettait le doute. S'il n'était vraiment qu'un simple agent pour le moment, il était quasiment certain qu'il passerait 00 dans les prochains temps. Impossible qu'il en soit autrement. Elle ferait peut-être mieux de s'interesser un peu plus à lui ! Alors Diana se mit une baffe mentale, s'obligeant à écouter ce qu'Adam disait, d'autant plus qu'il lui répondait... Quelle impolie elle faisait !

- Non, tu n'étais pas impoli ! C'est même sans doute à moi de m'excuser d'être arrivée comme ça..

Le ton qu'elle avait employé quelques minutes auparavant avait pu prêter à confusion, mais en réalité elle était énervée contre elle-même, et il n'y avait aucune raison pour qu'elle le fasse ressentir à Cooper, qui n'avait d'ailleurs rien demandé et qui voulait peut-être rester tranquille. Quelle boulette elle pouvait faire parfois ! Elle écoute tout de même la suite de son discours, et le regarda finir sa tasse, laissant un léger silence s'installer dans la cafeteria, vide à cette heure-ci. Patiemment, elle attendit qu'il reprenne.

Elle fut embêtée de sa question, n'en laissant cependant rien paraître, sa carapace de femme inateignable ayant eu le temps de se forger depuis qu'elle travaillait pour le MI6. Elle fut tentée de ne pas répondre, mais cela n'aurait pas été très gentil envers ce pauvre Cooper. Elle se demanda pourquoi elle avait décidé de lui parler. Quelle idiote. Elle ne savait même pas quoi lui dire. Mais cela lui permettait de bloquer son ennui, alors, d'un ton neutre, elle expliqua la situation des 00.

- Il n'y a aucun problème dans notre section... Mais il y a des fois où aucun type diabolique n'a la bonne idée d'échafauder un plan contre le reste du monde. Et dans ces moments là, il n'y a rien à faire. Du tout. Ou alors, comme nous sommes déjà un certain nombre de 00, certains sont en mission et pas d'autres. Mais on nous oblige tout de même à venir au bureau " au cas où ", ce que je trouve totalement stupide, mais mieux vaut ne pas contrarier M.

Curieuse de savoir de quoi était faite la vie quand on ne devait pas aller dans un quelquonque pays empêcher un attentat aux dirigeants, elle retourna la question à l'agent.

- Et qu'est-ce que vous faites dans ta section ? Je suis curieuse de savoir... Ne me dis pas que vous êtes devant des écrans d'ordinateurs toute la journée ! Pitié ! Conclut-elle en souriant.

Ca ne lui était pas arrivé depuis longtemps de sourire. C'était bizarre. Elle se reprit immédiatement. Elle ne connaissait pas cet homme. Elle ne pouvait pas lui faire confiance, du moins, pas maintenant. Qui sait quelles surprises il pourrait lui réserver. Il lui fallait d'abord apprendre à le connaître. Mais pour l'heure, elle le laisait répondre à sa question. Elle avait le temps après tout !

Adam leva la main en l'air et l'agita comme pour en dissiper le malentendu, pour lui l'affaire était close et ils pouvaient avancer un peu plus dans la conversation. Toujours avec la même attention il écouta son interlocutrice mais son regard se fit moins scrutateur, tout du moins en apparence. Il avait pu noter que Diana semblait un peu mal à l'aise et il n'était pas là pour procéder à un interrogatoire pour le moment. Il remarqua également son sourire pendant quelques instants qu'elle s'empressa de dissimuler derrière un masque de convenance

Il se demanda si ses émotions étaient aussi perméables ou bien si ses années au SAS lui permettait de ne rien laisser paraître : l'âge n'avait pas que des inconvénients. Certes il n'était pas vieux mais il sentait que physiquement parlant les jeunes coqs avaient bien plus d'énergie à revendre, cependant il compensait par ses astuces de vieux brisquart

« Vous avez un sourire magnifique Miss Carlton, il est dommage que vous le dissimuliez » Il laissa à la jeune femme quelques secondes avant de répondre avec un soupir de lassitude « Malheureusement je suis au regret de vous décevoir. L'essentiel de mon boulot ces derniers temps consiste à effectuer des traductions ou bien des analyses géopolitiques dans le Proche Orient ou bien en Asie du Sud Est. Rapports qui seront sûrement survolés si je suis chanceux par la hiérarchie. Mais j'avoue qu'un petit travail de terrain ne serait pas pour me déplaire en ce moment »

En fait, l'agent n'avait pas écouté ce qu'elle avait dit précédemment. C'était si compliqué de la tutoyer ? Elle n'avait pas 60 ans non plus ! Elle était encore jeune et lui aussi. Aussi répéta-t-elle sa demande.

- Arrêtes de me vouvoyer ! J'ai l'air d'avoir quel âge ?! Pas 50 ans j'espère !

Elle soupira et laissa Adam continuer. Il avait des jolies mains ! Vraiment. Mais il valait mieux taire ce compliment. Elle ne tenais pas particulièrement à passer pour une folle furieuse fétichiste des mains, ce qu'elle n'était d'ailleurs pas, il faut le préciser ! Et puis même s'il avait de belles mains, Diana avait un peu de mal à apprécier ce type. Malgré sa gentillesse, il lui paraissait suspect. Peut-être même que c'est cette gentillesse qui la met mal à l'aise. De plus, il lui parlait de manière un peu trop familière à son goût ( Oui bon... Elle aussi, mais c'est différent ! Elle est sa supérieure et elle a tout les droits ! Na !). Elle avait également un peu l'impression qu'il se moquait d'elle. Elle ne savait dire pourquoi, mais cette impression lui était assez désagréable, surtout après sa petite remarque à propos de son sourire.

- Merci, c'est très aimable à toi. Mais je n'aime pas vraiment les compliments. Ils cachent souvent des choses. De mauvaises choses. Et je n'aime pas les mauvaises choses. Souviens-toi en.

Puis, ayant peur que Cooper pense que tous les agents de la section 00 étaient comme elle, elle rajouta :

- Mais ne t'en fais pas. Tout le monde n'est pas comme moi ! Je suis sûr que si tu vas voir Stephanie, elle ne dira pas non à un de tes compliments. Et puis elle est très jolie ! Tu devrais aller la voir quand elle sera rentrée ! C'est une grande blonde à l'air enfantin ! Elle est sympa !

Qu'est-ce qui lui prenait de jouer les entremetteuses tout à coup ? Elle n'était pas là pour ça ! Elle était juste venue pour combattre son ennui. Et effectivement, l'agent était une bonne distraction, avec sa conversation et sa belle gueule.

Elle fit une mine lasse en entendant Cooper dire que si, en effet il travaillait pas mal sur ordinateur, pour des choses passablement ennuyeuses à ses yeux. Géopolitique. Quel mot chiant ! Il fallait bien le reconnaître ! On a inventé mieux comme mot dans la vie ! Droïde par exemple. C'est marrant ! Parce que druide et droïde ça sonne pareil ! Hum. Le sucre commençait à lui monter à la tête. Heureusement qu'elle ne disait rien d'aussi stupide à voix haute !

- Je te plains. Etre enfermé 24h/24h ça ne doit pas être très drôle.

Réfléchissant un peu, elle décida de tenter quelque chose. Elle ne savait pas si elle en avait le droit, mais cet homme avait définitivement quelque chose en plus que les autres, même si cela pouvait se révéler désagréable. Il ne pouvais pas rester simple agent.

- Tu t'es déjà interessé aux 00 ? Je pense que tu y aurais ta place, tu sais. Tu as ce quelque chose que nous avons tous dans notre section. Je suis sûre que tu y aurais ta place. Bien sûr cela demande des sacrifices, mais je suppose que tu le sais déjà puisque tu es assis là, à cette table dans cet immeuble. Travailler pour le MI6 est toujours dangereux. Alors, qu'en dis-tu ?

« Miss Carlton, loin de moi l'idée de vous manquez de respect mais du milieu dans lequel je viens se permettre le luxe de tutoyer un supérieur est assez rare et il faut généralement faire ses preuves avant de pouvoir y accéder. Et je ne voulais pas embarrasser par mes compliments je saurais les taire à l'avenir » Décidément il semblait vouloir provoquer son interlocutrice tout du moins en apparence car il y avait dans ses paroles une franchise dont il faisait souvent preuve quand il n'était en mission

Il laissa couler la menace de Diana sans mot dire. Il savait qu'un bon jugement découlait de l'expérience qui en général provenait d'un mauvais jugement. La jeune femme allait devoir apprendre à ne pas adresser des menaces en l'air, Adam l'avait appris durement et son corps en portait encore certaines stigmates. Instinctivement il se massa l'épaule gauche avant d'écouter la maquerelle faire son numéro, cette fille avait décidément un grain ce qui n'était pas pour déplaire à l'écossais : il espérait pouvoir faire équipe prochainement avec elle assez rapidement. Les agents 00 n'avait pas une réputation de longévité dans le service même si la section venait d'être montée

« J'avoue que j'ai connu des temps meilleurs » Notamment sur une plage indonésienne

La section 00 fut remise sur le tapis et Diana tenta de l'enrôler : ainsi donc voilà ce qu'elle venait faire ici. L'approcher et rendre compte à M certainement. Adam savait que son nom avait circulé pour rejoindre les 00 même si il n'avait jamais encore tué lors de son service au sein du MI6 mais il n'aurait pas pensé que M l'aurait approché de cette manière
Peut être que sa vendetta en Indonésie comptait. A ce souvenir son regard se troubla le ramenant un an et demi en arrière : il se rappelait toujours le regard apeuré de la fillette quand il lui avait tendu une main ensanglanté pour la sortir de ce cauchemar

Il entendit la jeune femme lui parler de sacrifice pour son pays. Les mains d'Adam se crispèrent violemment et il prit quelques secondes pour tenter de se calmer avant de répondre

« En effet, travailler pour son pays exige des sacrifices mais vous allez apprendre que vous pouvez vous donner corps et âme à votre pays, ce dernier ne vous le rendra pas » Encore une chose qu'elle devra apprendre à ses dépends mais Diana n'avait pas mérité la rancoeur que nourrissait l'ancien militaire « Excusez moi, vous n'avez pas à essuyer les plâtres » Il sortit une cigarette de son paquet qu'il tendit à son interlocutrice en tremblotant légèrement « Vous fumez ? »

De douces envies de meurtres montaient au cerveau de l'agente. Il commençait à l'énerver serieusement ce type. Et il se foutait de sa gueule en plus. Elle se leva brusquement de sa chaise.

-Et bien ici, vois-tu, entre agents on ne fait que rarement preuve de distinctions entre simple agent et 00. Parce que dans la vie, nous sommes tous égaux. La seule différence est purement hiérarchique. Entre nous nous pouvons nous permettre une certaine familiarité amicale.

Le regard d'Adam était un peu perdu dans le vague. Elle se rendait compte peu à peu que lui aussi devait avoir une certaine histoire pour être arrivé jusqu'ici. Mais c'était le cas de tous les agents et il ne pouvait pas se permettre de ressasser son triste sort jusqu'à la fin des temps. Son avant dernière phrase lui prouva qu'elle avait vu juste et qu'il avait déjà eu une experience personnelle du terrain, de la mort ou de la douleur, voir tout cela à la fois. Cependant, cela laissait la jeune femme de marbre. Chacun son histoire.

Cooper proposa à Diana une cigarette, qu'elle refusa. Elle ne serait pas une très bonne 00 si elle se mettait à fumer, affaiblissant ses poumons et ses capacités respiratoires. Elle se devait d'être au meilleur de sa forme, quelle que soit la situation. Elle remarqua un léger tremblement de sa main lorsqu'il lui avait tendu le paquet. Ressasser son passé ne devait pas l'affecter. Pas en public, et encore moins physiquement. C'était le début de la fin autrement. D'un geste presque maternel, elle prit le menton de Cooper entre ses doigts et le regarda droit dans les yeux.

- Tu sais, au MI6 nous avons tous une histoire, plus ou moins tragique selon les personnes. Mais elle existe dans chaque cas. Tu me prends soit pour une idiote, soit pour une folle, voire les deux en même temps, mais il faut que tu comprenne bien que tu n'es pas le seul à avoir souffert plus que de raison, même s'il te semble que ta douleur est plus forte et plus profonde que toutes les autres. Et lorsqu'on est agent ici, le but de ta vie est de tout faire pour le cacher aux autres. Bien sûr, tu ne peux pas faire semblant eternellement, mais débrouille toi pour craquer chez toi, à l'abri de tous les regards. La souffrance te rend aussi plus fort, plus grand. Mais à l'exterieur, ne montre pas ce qui t'a rendu plus fort. J'espère que je ne t'apprends rien en te disant tout cela, mais ton expression du visage et ton léger tremblement t'ont déjà trahi. Un ennemi aurait déjà repéré ta faille. Crée toi un meilleur bouclier.

En finissant son discours, elle saisit la cigarette qu'Adam venait d'allumer et l'écrasa d'un vigoureux coup de talon. Elle n'allait pas le laisser foutre sa santé en l'air, même si elle était certaine qu'il en rallumerait une autre une fois qu'elle serait sortie de cette salle. Elle marcha en direction de la porte, et juste avant de sortir, elle se retourna pour lui dire une dernière phrase à l'agent.

- Et arrête de fumer ! Ca fait fuir les femmes !

Elle remit son masque de neutralité, et partit reprendre son rôle de pot de fleur dans les bureaux, ayant cette fois de quoi penser. Adam Cooper était un petit con arrogant, mais qui avait du potentiel. Elle aurait le temps de méditer là-dessus.

Diana fronça les sourcils en sentant que Cooper la retenait par le bras. Pour qui se prenait-il ? Elle hallucina totalement en l'entendant lui faire la morale. Non mais vraiment ?! Croyait-il vraiment qu'elle était ignorante et qu'elle se prenait pour un bisounours vivant dans le pays de l'amour où tout le monde s'embrasse en permanance ? Dans ses rêves. Et s'il y avait une chose autre que l'injustice qui énervait la jeune femme, c'était bien qu'on ne la prenne pas au serieux. Alors, excédée par l'attitude d'Adam, juste avant qu'il sorte, elle le prit par les épaules, le retourna et lui assenna un claque magistrale avant de le plaquer contre un mur.

- Toi, ne t'avise pas de me donner de leçon. Ma jeunesse n'est en rien un signe de faiblesse ou d'incompétence, j'espère que tu le sais. Et je ne supporte pas qu'on se croie supérieur à moi pour une raison quelle qu'elle soit.

Elle posa la main sur le torse d'Adam, rouvrant sa chemise pour caresser la cicatrice du bout des doigts.

- Je me doute que tu n'as pas vécu quelque chose de facile, mais au fil du temps, moi aussi j'ai acquis de l'experience, sûrement plus que certains agents qui travaillent ici depuis vingt ans. Je ne connais pas mes limites pour la simple et bonne raison que je ne les ai pas encore atteintes, et tant mieux pour moi. Je sais aussi qu'un jour je les atteindrais et que ce jour-là sera un jour pénible. Je ne suis pas dupe. Seulement, je profite de la vie que j'ai tant qu'elle est encore bien et que je ne connais pas trop de malheur. Alors je te demande de ne pas me juger. Et désolée.

Elle referma la chemise de Cooper, regardant une dernière fois cette cicatrice dont elle ne connaissait pas l'origine; mais après tout c'était une histoire qui ne la concernait pas. C'était sa vie, ses experiences. Diana se surprit même un peu à avoir de la peine pour ce que l'agent avait vécu, mais elle ne pouvait rien faire pour améliorer sa vie et puis ça ne ferait de toute façon que l'affaiblir. Elle recommença à marcher dans le couloir et se retourna une dernière fois vers l'homme.

- Vraiment désolée que la vie ait été aussi nulle avec toi. J'espère vraiment que tu vivras de meilleures experiences avec d'autres personnes. Je suis sûre que tu pourrais t'entendre avec plein de gens ici. Je t'ai parlé de Stéphanie Dent. Très sympa. Allez salut !

Voulant se donner une contenance, elle harponna au passage une femme marchant avec des dossiers plein les bras et entamma une discussion avec elle, laissant Adam Cooper et sa cigarette se débrouiller tous seuls dans le couloir mal éclairé de la caféteria, espérant qu'il ne la rattraperait pas une fois de plus pour ajouter elle ne savait quelle phrase philosophique à deux balles dont il avait le secret.