Quiconque échange avec Djamin est rapidement conquis par son raffinement, sa sympathie et son humour. Il parle toujours avec une sorte de gentillesse et sans aucune colère, il est imperturbable, seuls ses paroles peuvent être violentes. Lorsqu'il menace, il peut être froid, moqueur, ironique, lointainement rapace. Sa haine féroce ne ressort que dans la passion de son ton ou une très calme cruauté. Il donne à la fois une bonne impression et une impression inquiétante, meilleure combinaison diplomatique.
Djamin est très fort en négociation, par sa maitrise sociale et sa ruse. Il surprend cependant par rapport à sa zénitude par la contradiction de son absence incroyable de pitié dont il peut faire preuve pour arriver à ses fin. La mort d'autrui ne le préoccupe à vrai dire pas, ni sa souffrance. La guerre ne l'effraie pas. Quiconque le retarde ne risque pas d’être épargné. Il est très manipulateur voir dominateur dans les rapports humains, il a une âme de commandant. Le raisonner est impossible tant son égocentrisme est fort et son ambition diabolique.
Il est prêt à tout pour s'emparer d'une forme de pouvoir, ce qui forme l'essentiel de sa vie. Il se sent musulman mais très modérément, son rôle dans Al Qaida n'est qu'un prétexte pour mener sa vie convoitée, mais il use de sons statut pour éviter qu'on lui pose la question.

Djamin Ryad Idhir nait en 1968 dans une province du nord de l'Afghanistan. Ce pays, alors pauvre et déchiré par les rivalités tribales et le bras de fer avec l'occident puissant, ne lui offrait que peu de chance d'avenir, à moins qu'il ne se dirige dans la guerre ou la politique, ce qu'il envisagea dés l'adolescence. Son père était un petit chef de tribu tadjik assez bien pourvu, qui possédait une ravissante voiture, une maison plutôt confortable et travaillait dans la municipalité du village, homme le plus respecté des environs dont l'importance lui transmit beaucoup de culot et de fierté. Djamin fut un élève correct à l'école publique la plus proche, mais l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS perturba la quiétude de son parcours, comme tant d'autres : pendant que communistes et islamiques  se déchiraient sur le territoire, grâce à la petite influence de son père heureusement resté neutre dans le conflit et investi dans la protection des civiles, il put se rendre à Kaboul suivre le lycée public sans subir aucune exaction d'un des camps ; dans cette ville il découvrit les fastes du monde de la modernité, la richesse et la puissance au milieu d'un désert montagneux. C'était décisif : studieux et intelligent mais de moins en moins attiré, il commença à espérer mieux qu'une carrière politique maintenue par des décennies de patience. Il avait l'occasion d'accomplir son désir le plus profond.

En 1987, à 19 ans, il rejoint les étudiants afghans anti-gouvernementaux. En 1988 il est intronisé officier combattant "moudjahidine", un soldat des rebelles islamiques dans des guérillas, dans les montagnes. Il s'y illustre à la fois comme une tête brûlée et un homme de guerre ingénieux et censé. Vers la fin de la guerre en 1989, félicité, il rejoint les combattants du héros national d'Afghanistan : le commandant Massoud, chef de guerre ayant repoussé éternellement de sa région les terribles troupes russes et mit à genoux le pays par son héroïsme légendaire.  Deux ans plus tard, Djamin est devenu un capitaine respecté et a développé des relations amicales spéciales avec Massoud l'Afghan. Dans l'ombre de ce dernier, il deviendra l'un de ses meilleurs éléments. Immédiatement après, vient la triste occasion de la guerre civile afghane : Djamin Idhir combat dans les rangs de son maitre jusqu'à la prise de la plus grande partie de l'Afghanistan par ce dernier, dont la capitale Kaboul. Le nouveau gouvernement lui offre un poste important au ministère de la défense, proche de Massoud. Après le guerrier, se découvre le politique Idhir, imaginatif et de plus en plus machiavélique, alors même que son mentor s'enfonce dans l'atrocité obligatoire de ses actes pour étendre son contrôle sur le pays... En 1996, un nouveau mouvement fondamentaliste musulman, les talibans, s'empare progressivement de l'Afghanistan et refoule tous les mouvements rivaux. Alors que Kaboul va tomber, Massoud confie à Idhir une mission incroyable : il restera à son poste du ministère, promettra allégeance aux talibans et travaillera pour eux, ainsi Massoud aura un espion de confiance parmi ses ennemis. Tirant profit de son statut, Idhir assume à la fois un poste dans la défense du nouveau régime et d'espion. Il se forge ainsi un autre double jeu, ne choisissant pas un camp mais... les deux. Presque tout l'Afghanistan est sous contrôle des Talibans, un groupe de religieux intégriste aussi arriéré qu'effrayant, imposant la Burka, l'interdiction à l'éducation, l'esclavage des femmes, les violences de la charia... tandis que Massoud résiste dans son fief montagneux imprenable de Panshir. Bien que musulman jugé modéré, Idhir était passé du Jamaat-e Islami, parti très fortement musulman, à celui des talibans, plus grands extrémistes musulmans, ce qui lui permettra de se faire passer sans difficulté pour un musulman fondamentaliste. Il développe son habileté et étend sa toile dans la conquête de l'estime des puissants.

Plus complexe encore lorsqu'Al Qaida s'installe en Afghanistan et se lie avec le régime taliban... Depuis chef  très réputé d'un cabinet de défense plutôt primitif, Idhir est chargé des relations de la défense entre les talibans et Al Qaida, qui prépare le pire attentat au monde. Il infiltre progressivement l'organisation sans perdre la confiance de ses autres mentors. En 2001, assassinat de Massoud par ses ennemis, Idhir devient un agent dormant. Puis attentat tragique du World Trade Center. Puis l'OTAN intervient pour écraser ses responsables, Al Qaida et les Talibans. Puis le régime afghan s'effondre, les talibans deviennent un groupe de terroristes dispersés dans le pays qui luttent efficacement contre l'OTAN dans l'espoir de reprendre le pouvoir, et Al Qaida un label du terrorisme djihadiste qui étend ses tentacules dans le monde. Durant les années suivantes, Idhir se retrouve dans une situation confuse, ne sachant plus s'il travaille plus dans Al Qaida qu'il connait comme un membre réel ou pour les talibans. Jouant sur l'imprécision, il monte son influence sur des alliés d'Al Qaida, puis profite de la décomposition de l'organisation pour prendre la place d'un de ses premiers numéros fraichement éliminé. Nous sommes en 2006. Chef d'une branche d'Al Qaida en Afghanistan-Pakistan, il se spécialisera aussi dans la coordination des communications internationales du groupe, ce qui lui confert une certaine influence. Les années de guerres contre l'occident s'écoulent. Djamin, de son petit trône, prend conscience du rôle végétatif d'un "chef" d'Al Qaida, réduit à des papiers, des constats, des discussions tandis que la lutte stagne et que l'avenir fléchit. Al Qaida est un emblême d'antan, aujourd'hui simple marque du terrorisme par lesquels certains groupes demandent la sponsorisation.

Mais ne pas se rassurer. On raconte par là que Idhir prête toujours allégeance aux terrifiants activistes des Talibans. Par là qu'il a ressorti de vieux documents et a recontacté l'organisation afghane de son mentor décédé Massoud appelée Alliance du Nord et alliée aux forces de l'OTAN ennemis du terrorisme.. Et par là encore que sa tribu natale, toujours dirigée par son vieux père, le proclame comme son vrai chef. Rien n'est décisif.