Sydney, Australie.
Samedi 16 Mars 2013, 20 heures 47.




Lucien se trouvait dans la piaule où il logeait depuis maintenant cinq mois. Adossé contre le rebord de la fenêtre, un verre de Whisky à la main, il regardait Sydney qui s'étendait face à lui. Des gouttes fines s'abattaient, étouffant certaines des lumières émises par la ville, mais n'enlevant rien à la splendeur éblouissante qui émanait de Sydney la nuit. C'était la première fois que Bishop se rendait en Océanie. Pourtant, il avait beaucoup voyagé, mais il n'était jamais passé par cette région. Il avait fallut attendre des « vacances » organisées par la DGSE afin de visiter pour la première fois ce continent.

En effet, l'agence d'espionnage française avait insisté pour que Lucien prenne une pause à l'étranger. Il lui fallait du temps pour se remettre de sa dernière mission. Mais ce n'était pas ça le plus dur. Cela allait bientôt faire deux ans qu'Elle n'était plus là, et Lucien avait toujours du mal à s'en remettre. Il n'arrêtait pas de penser à Son visage, Son regard tendre. Il entendait toujours Son rire franc dans sa tête. Elle ne méritait pas ce qui lui était arrivé...

La mine sombre, l'agent de la DGSE but son verre d'une traite et tourna le dos à la sublime vue qui se présentait à lui. Il s'approcha d'une table basse où était posé un ordinateur portable. Il s'assit dans l'un des deux fauteuils de la pièce et posa son verre vide. Il alluma l'appareil électronique tout en pensant à ce qu'il devait faire. Et non, la DGSE ne l'avait pas laissé repartir en congé sans ses devoirs de vacances, cette fois-ci ! Bishop avait un petit quelque chose à effectuer. Il était en Australie non pas pour admirer le paysage et ses kangourous, mais afin de nouer des liens avec une organisation criminelle du nom de "Causa Real". C'était un petit gang qui se chargeait d'écouler en Océanie de la drogue en provenance de Colombie. Mais la DGSE était intéressée par le potentiel du groupuscule. Le marché de la drogue était immense, et pour être le seul vendeur de poids en Océanie, le gang avait forcément un soutien important. Les espions français ignoraient ce qu'ils cherchaient précisément ici, ni ce qu'ils pourraient y dégoter, mais ils savaient qu'ils ne perdaient pas leur temps.

Bishop avait accepté la mission pour plusieurs raisons. Tout d'abord, c'était les ordres et il devait donc s'y plier. Ensuite, depuis l'assassinat de sa femme, il s'intéressait à tout ce qui pourrait le mener au Cartel H dont le trafic de drogue était la spécialité. Enfin, cette mission était l'occasion de découvrir un nouveau continent, et se plonger dans le boulot lui ferait se changer les idées. Depuis son retour aux affaires, Lucien se lançait à corps perdu dans son travail, monopolisant ainsi ses pensées et sa réflexion.

Un homme de l'agence lui avait donc confié un ordre de mission. C'était la première opération de Lucien en sous-marin. Il allait s'immerger dans un milieux sombre, où la seule règle qui régnait était l'absence de règles, et où les malfrats faisaient la loi. On lui avait fourni un nom, un passé et un objectif. Ainsi, Jeremy Harving était un ancien militaire britannique, renvoyé pour manquement de discipline. Il s'était donc reconverti dans quelques menus larcins, comme des braquages de banque mineurs, jusqu'à se faire prendre. Emprisonné, il venait de se faire libérer de prison et avait embarqué pour l'Australie. Ensuite, c'était à l'agent secret de rentrer en contact avec Cosa Real. Bien sûr, tout contact avec l'un de ses proches ou un membre de l'agence était défendu.

Lucien avait alors rencontré un gars, un certain Gary, dans un bar. Pas très grand, un peu bourru et une barbe épaisse. Bishop lui avait fait part de son passé et annoncé qu'il recherchait un « boulot » afin de se remettre en selle. Gary avait accepté, mais était demeuré méfiant. Il lui avait demandé deux-trois bricoles à première vue sans aucun rapport avec le gang, comme rappeler à quelques petites frappes de s'acquitter de leurs dettes. Mais Bishop avait senti que les choses ne se passaient pas comme prévu. Il savait que sa mission devait durer longtemps, peut-être même une année ou deux. Mais il avait eu l'impression qu'il ne gagnait pas la confiance des membres de l'organisation. Lucien avait alors choisi de combattre le mal par le mal.

C'est après un mois d'infiltration qu'il avait alors commencé à se droguer. Il avait traversé une passe douloureuse en réussissant à ne pas bousiller sa santé, et maintenant qu'il était sur le point d'en sortir, voilà qu'il s'était mis à s'injecter de la coc' ! Il avait commencé à petite dose, juste histoire de paraître assez défoncé pour en réclamer à Cosa Real et ainsi mieux s'intégrer à l'organisation. Il savait qu'il pourrait s'arrêter dès la fin de la mission, même s'il avait légèrement augmenté sa dose ces derniers temps. Le secret d'une infiltration réussie était de faire table rase du passé. Ne pas faire semblant d'être un personnage, mais être réellement ce personnage.

C'est ce qu'avait fait Bishop, et c'est ce qui avait fait que son plan avait fonctionné. Désormais il travaillait réellement pour l'organisation criminelle. Principalement, il était chargé de la réception de la marchandise au port de Sydney. Un simple travaille de docker, pas exigeant, mais qui permettait de se lier avec les autres membres du groupe. Bien pratique, étant donné que Bishop logeait à cinq minutes à peine des quais. C'était Gary qui supervisait les opérations. C'était, pour ainsi dire, le plus proche « ami » de Jeremy Harving. C'était d'ailleurs lui qui le fournissait en drogue, partie du salaire que l'agent infiltré percevait.

À cette pensée, Bishop se dit qu'il avait besoin d'une nouvelle dose. Il n'avait pas les idées claires, à cause du manque de sommeil, et avait besoin de se requinquer un peu. Il délaissa sa boîte mail afin de se rapprocher de la cuisine où il cachait sa précieuse drogue. Dans une petite housse de la taille d'une trousse, rangée sous l'évier, se trouvaient des seringues, un flacon et une bandelette. Lucien serra un garrot sur son bras gauche et s'empara d'une seringue puis l'enfonça dans le flacon afin d'aspirer le contenu de la fiole. Il s'injecta ensuite le sérum dans une veine.

Joyeux anniversaire... Pensa-t-il lugubrement, alors que la drogue se répandait dans ses veines. En effet, Bishop avait fêté ses trente-trois ans la veille. Mais il n'avait pu les célébrer avec personne, étant en mission. Il ne pouvait donc pas contacter ses parents et ses amis, à qui il avait dit qu'il était parti en immersion dans un temple tibétain pour un reportage d'envergure. Et il allait encore moins fêter son anniversaire avec ses nouveaux "collègues" qui le prenaient pour Jeremy Harving, un Britannique né au mois de juillet.

Son besoin en drogue avait été si intense qu'il n'avait pas réalisé qu'il s'était mis à trembler. Bishop poussa un soupir de soulagement. Son cœur se mit à battre plus vite, mais le jeune homme sentit déjà qu'il allait mieux. La cocaïne faisait peu à peu son effet dans l'organisme de l'espion. Il devenait plus fort, plus vif. Il allait mieux.

Ce fut à cet instant que Gary frappa à la porte. Il ne prit même pas la peine d'attendre la réponse de son compère et entra dans l'appartement. Ses yeux se posèrent sur le matériel que Bishop rangeait. Le docker ne fit aucun commentaire à ce sujet et lança :

"Dis-donc Jerém, grouille-toi ! Tu n'as pas reçu le mail ?"

Le dit Jérém bafouilla, surpris. Il regarda l'ordinateur qu'il avait délaissé au profit de la drogue, sur lequel s'affichait encore la page d'accueil de sa boîte mail.

"Visiblement, non ! Le rendez-vous est avancé ! Il a lieu à 21 heures 30, et non plus à 22 heures ! Et tu sais qu'avec ces gars-là, faut pas déconner !"

Le rendez-vous ! Non pas que Bishop l'avait oublié, c'était d'ailleurs pour ça qu'il prévoyait de consulter ses mails. Un important fournisseur avait pris contact avec Cosa Real afin de passer un marché. C'était un gros poisson, une occasion pour le gang de trouver un bon accord, mais surtout la possibilité pour la DGSE de ferrer le gars. Ou, du moins, le pister. L'organisation avait seulement un nom: Vinheiro. Trois syllabes, mais ça avait suffit pour capter l'attention du groupuscule. La réputation du dealer n'était plus à refaire. Cosa Real avait là l'occasion de diversifier ses fournisseurs et de faire affaire avec un des pontes du milieux. C'était une occasion en or qu'il ne fallait pas rater!

Lucien jura et attrapa son manteau. Il enfouit son matériel dans une poche et se saisit de son pistolet : un Beretta 92 qu'il glissa dans son holster. Puis, accompagné de Gary, il se précipita au dehors. Ils devaient arriver en avance afin de finaliser les préparatifs de la venue du fournisseur. En quelques minutes, ils se retrouvèrent sur les docks, lieu où allait se dérouler la rencontre entre les deux gangs. D'autres membres de Cosa Real étaient présents. Bishop aperçut Pablo. C'était un homme épais qu'il avait eu l'occasion de croiser que très rarement. Il semblait le supérieur de Gary, et Lucien ne serait pas surpris d'apprendre qu'il était le chef de la bande. Une chose était sûr: ce soir, c'était lui qui allait mener l'échange avec Vinheiro.

[Inutile de rappeler que la drogue, c'est mal!]

Alors que l'attente grandissait, la tension montait. Les membres du gang s'agitaient peu à peu. Lucien regarda sa montre : 21 heures 25. Ils n'allaient pas tarder. Il fit quelques pas, s'éloignant de Gary. Lui aussi était nerveux. La dose qu'il avait prise toute à l'heure n'aidait pas. Bishop trouvait que le temps passait trop lentement. Il ne cessait de lancer des regards vifs vers l'autre bout du quai, l'endroit par lequel les hommes de Vinheiro étaient censés arriver. L'agent infiltré tenta de se calmer en regardant une nouvelle fois Sydney la nuit. La pluie était toujours fine et rafraîchissait l'atmosphère. Enfin... Il ne devait pas se laisser déconcentrer pour si peu. Il porta de nouveau son attention sur les membres de Cosa Real. Ils étaient une demi-douzaine tout au plus, tous armés de mitraillettes. C'était plus pour montrer aux visiteurs qu'ils avaient de quoi se défendre et qu'ils allaient surveiller de près l'opération, que pour s'en servir réellement. Une sorte d'équipement d'apparat. Seuls Pablo, Gary et Bishop n'avaient pas ce genre d'armes. Pour Pablo, la raison était évidente : il était le chef et il n'avait pas à porter d'arme encombrante. Il avait bien évidemment un revolver glissé dans son pantalon, bien en évidence. Mais tous savaient qu'il n'aurait probablement pas l'occasion de s'en servir.

Soudain, un crissement de pneus se fit entendre. Tous les hommes présents se ressaisirent, et observèrent deux camionnettes noires surgir de l'obscurité pour entrer dans le faisceau du seul projecteur qui éclairait ce quai. Ils étaient là. Les véhicules s'immobilisèrent à une dizaine de mètres de Cosa Real. Les portes s'ouvrirent et des hommes armés en descendirent. Cependant, seulement trois d'entre eux s'approchèrent. Deux gardes du corps portaient des MP5, mais celui qui marchait en tête avançait tranquillement, les bras tendus et un sourire aux lèvres. Bishop le dévisagea attentivement. Ce devait être le fameux Vinheiro. Lucien n'avait pas eu l'occasion de se renseigner sur lui, ni avant ni pendant la mission. Il devait alors se contenter de stocker dans un coin de sa cervelle l'apparence de cet homme afin de pouvoir l'identifier plus tard.

Mais la mémoire de Bishop n'était pas le seul outil qu'il utilisait afin d'enregistrer des informations. Si la mission devait mal tourner et qu'il était éliminé, alors les mois d'infiltration n'auraient servis à rien, étant donné que toute communication avec la DGSE était jugée trop risqué. Pour parer à ce problème, il avait tout simplement une clé usb accrochée à son porte-clefs. Cela pouvait paraître bien maigre comme subterfuge en cas d'incident. Mais cette clé, outre le fait que son contenu était codé et que l'accès à ses données nécessitait un mot de passe, avait le mérite d'avoir l'apparence d'un surf miniature. Bishop l'avait choisie pour aller de paire avec le pays dans lequel il était, mais du coup elle ressemblait à un vague porte-clé de touriste utilisé pour accrocher les clefs de son studio. Seul un examen attentif permettait de l'identifier comme tel. Enfin, tout le monde ne pouvait pas se vanter d'avoir les techniciens de la Section Q dans son service !

Vinheiro s'adressa à Pablo, avec un accent prononcé :

- Mon ami, comment vas tu ? J'y étais très heureux de voir que tu voulais mé contacter. Nous vénons d'arriver et n'avons pas bien le temps de discuter plus, passons aux affaires si tu le véux bien mon cher Pablo. Alors voici votre commande comme prévu arrivé directement d'Amérique-latine en avion. Tout un total dé 160 Kilo de cokes juste pour vous mes amis ! Maintenant j'y veux voir l'argent puis nous passérons à l'échange.

Donc c'était Cosa Real qui avait prit contact avec le trafiquant de drogue, et non l'inverse comme l'avait pensé Bishop. Autre information à noter : la date d'arrivée et le transport utilisé. Il fallait que Lucien parvienne à se renseigner sur les différents vols en provenance d'Amérique Latine arrivés à Sydney dans les deux heures précédant l'échange. Si la soirée se déroulait comme prévue, il aurait enfin des informations croustillantes à communiquer à l'agence.

À la fin du discours de Vinheiro, Pablo se tourna vers un comparse et claqua des doigts. Celui-ci s'approcha avec une mallette noire. Il la posa sur le capot d'une des voitures de Cosa Real et l'ouvrit. Il s'effaça ensuite afin de présenter le contenu au gangster. Pablo l'invita à s'approcher en disant :

- Voici l'argent, comme convenu. Il y a cinq millions. Mais avant que vous ne puissiez compter, mon ami, j'aimerais jeter un œil à la marchandise.

Cette fois-ci, ce fut au tour de Vinheiro de faire signe à l'un de ses complices. Les hommes qui avaient déchargé les caisses les apportèrent. L'un d'entre eux en ouvrit une. Pablo examina son contenu et se saisit d'un sachet, l'air satisfait. Cependant, il jeta un regard suspicieux à son homologue, sortit un canif et déchira le sachet. Il y enfouit son doigt et goûta la poudre. Il attendit un instant puis acquiesça vivement :

- Ta marchandise est à la hauteur de ta réputation, camarade ! Tu peux prendre l'argent !

Pendant que Pablo vérifia la marchandise du SPECTRE, Otto reçut un SMS. Il prit son portable puis le rangea après avoir pris connaissance de son contenu. Tout d'un coup, Vinheiro ne souriait plus beaucoup, il avait pris un regard glacial et ténébreux. Le gang du Cosa Real n'a pas suivi les engagements comme prévu et seront punis pour ce manque de respect à l'égard de l'organisation terroriste mondiale.

- Ta marchandise est à la hauteur de ta réputation, camarade ! Tu peux prendre l'argent !

J'avais cru que nous étions bien clair sur ce coup là Pablo. Tu es mon ami, j'étais heureux de te revoir mais là, je ne sais plus quoi dire. Un ami à moi vient de m'envoyer un message, tu veux savoir ce qu'il me dit. Il a capturé un espion, on l'a torturé et il nous a dit qu'un de ses petits copains espions seraient dans ton camps. Qui serait présent parmi nous, ce soir. Tu nous as trahi Pablo, je suis effroyablement déçu de ton comportement à mon égard.

Il sortit un flingue de sa veste en cuir puis tira sans hésitation une balle dans le crane du chef incontesté du Cosa Real. Il fit un signe à tout ses hommes puis marcha jusqu'à pouvoir rentrer dans l'une des camionnettes. Les hommes du SPECTRE sortirent leurs armements pour tuer le reste des membres du Cosa Real et l'agent secret de la DGSE. Si il y a une chose que le SPECTRE ne tolère pas, c'est les traîtres. Aucun service secret ne devrait connaître l’existence du SPECTRE, personne ne devait connaître l’existence du SPECTRE. Ce serait sinon le début de la fin pour l'organisation terroriste.

Les deux camps étaient d'accord sur les modalités de la vente. L'accord allait bientôt être conclu et tout le monde allait se séparer en bons amis. Mais c'était sans compter sur la réaction de Vinheiro. La remarque qu'il lança à Pablo fut surprenante, mais moins que le geste qui l'accompagna. En moins de temps qu'il ne le faut pour le dire, la situation avait dégénéré. Avant même que quiconque ne put réagir, le chef du gang australien avait été abattu. Les hommes du latino sortirent leurs armes et se mirent à tirer sur les membres du Cosa Real. Les balles partirent dans tous les sens.

N'écoutant que son instinct, Lucien plongea derrière une allée de containers. Il sortit son Beretta de son étui. Mais il fallait être réaliste, le gang avait déjà perdu la moitié des membres présents lors de l'échange et, seul, Bishop ne pourrait pas faire grand chose. Comment Vinheiro avait-il su qu'un agent était infiltré ? Était-ce un simple coup de bluff ? Si tel était le cas, alors il n'aurait pas abattu Pablo. Et puis, peu de personnes étaient au courant de cette opération d'infiltration. Quel espion aurait bien pu être capturé par cet "ami" du dealer ? Les questions se bouleversaient dans l'esprit du français, mais il devait se concentrer sur la situation. Les tirs continuaient toujours de fuser, tandis que Bishop courait aussi vite qu'il le pouvait dans l'allée de containers afin de fuir les assaillants. D'après les sons qui lui parvenaient, il cru comprendre qu'une riposte de Cosa Real s'était mise en place : Pablo avait eu la présence d'esprit de placer des tireurs isolés pour surveiller l'échange. Visiblement, ils n'avaient pas réussi à empêcher la mort de leur chef et n'étaient pas parvenu à le venger. Mais au moins, ils créaient une diversion nécessaires qui permettait la fuite de Lucien.

Cependant, devait-il réellement fuir ? Sauver sa peau et transmettre les informations à la DGSE était le choix le plus tentant. La mission était compromise et Bishop devait rentrer en France. Mais les autres membres du gang devaient être dans le même état de choc que lui. Ils allaient probablement rechercher l'espion, mais rien ne leur indiquait que c'était Lucien. Ceci dit, il était l'un des derniers arrivants, donc serait probablement l'un des premiers accusés de trahison. Rester auprès du Cosa Real n'était peut-être pas la meilleure option finalement.

Lucien fut interrompu dans sa course à une intersection, lorsqu'il percuta un homme de plein fouet. L'impact fut surprenant, mais l'agent secret ne perdit pas ses réflexes. Il agrippa violemment l'inconnu et le plaqua contre une paroi. Il allait lui refaire le portrait mais s'arrêta lorsqu'il reconnu Gary. Lucien le dévisagea. L'homme bourru qu'il avait connu jusque là semblait avoir laissé place à un enfant apeuré. Gary murmura :

- Vite, ne restons pas là ! Ils vont nous descendre!

Le mort de son chef semblait l'avoir anéanti. Remarque, il y avait de quoi. Personne à Cosa Real ne s'était attendu à une telle réaction de la part de Vinheiro et ses hommes. Ils avaient pêché par excès de confiance. Lucien aussi. À cela, si on ajoutait la révélation du bandit... Il y avait de quoi bouleverser Gary et les autres membres.

Alors que Lucien allait reprendre sa route, entraînant son coéquipier avec lui, il plaqua le bandit une nouvelle fois contre le mur, mais en l'imitant aussi. Deux hommes de Vinheiro accouraient dans l'allée d'où provenait Gary. Ils avaient dû le voir fuir et étaient parti à sa poursuite afin d'être sûr de ne laisser aucun survivant. En effet, le calme était revenu. Les snipers avaient dû être abattus et désormais les quelques hommes à la solde du latino arpentaient le port afin de vérifier qu'aucun membre de Cosa Real n'avait fuit. D'un geste, Bishop intima le silence au gangster. Les deux hommes armés s'arrêtèrent au niveau de l'intersection, se demandant où était passé Gary.

Lucien aurait aimé passer à l'action, mais utiliser son arme à feu revenait à signaler sa position. Il décida alors de se jeter sur l'homme le plus proche, qui lui tournait le dos. Il lui agrippa fermement l'épaule pour le faire se retourner et lui colla une droite. Son compère, surpris, mit du temps à réagir. Bishop se tourna vers lui et le frappa aussi. Mais l'effet de surprise ne dura pas longtemps. Rapidement, le premier soldat reprit ses esprits et attaqua à son tour. L'agent secret reçu un coup au visage alors qu'il tentait de faire face une nouvelle fois à son premier adversaire. Alors qu'il se battait, Lucien fut surpris de l'étrange passivité de Gary. Pourquoi celui-ci ne lui venait-il pas en aide ? Rapidement, la situation tourna au désavantage du français. Il se retrouva roué de coups et fut propulsé au sol. Il put alors voir l'un de ses bourreaux brandir son MP5 au dessus de lui.

Mais la détonation qu'il entendit de fut pas celle qu'il attendait. Derrière lui, Gary avait brandit son propre pistolet et s'était enfin décidé à prendre part au combat. Il venait d'abattre celui qui menaçait Lucien. L'autre homme tira alors une rafale en direction de l'allée où se trouvait le bandit. Bishop en profita pour faire tomber son adversaire à l'aide d'un coup de pied. Il se releva et donna une série de coups à l'homme qui était au sol. Ce n'était pas le moment de se poser des questions d'éthiques, ni d'avoir les manières d'un gentleman. Encore une fois, Lucien était face à un dilemme. Il était pressé par le temps : les échanges de coup de feu avaient dû alerter d'autres patrouilleurs. Mais en même temps, il devait avoir des informations sur Vinheiro et sa bande.

L'agent secret se pencha donc pour relever l'homme et le plaquer contre une paroi, comme il avait fait pour Gary juste avant. Il demanda :

- C'est quoi c't'histoire de taupe ? D'où il tient l'info ton boss ?

Afin d'appuyer se question, Lucien lui ficha de nouveau son point dans la figure. L'homme le regarda avec une expression de défi et un sourire mesquin. Décidément, il n'avait pas l'intention de révéler quoi que ce soit. Tant pis. Bishop n'avait pas de temps à perdre avec lui. Il lui asséna un coup de boule puis laissa l'homme inconscient contre la paroi, maladroitement affaissé. Ensuite, l'espion se tourna vers Gary. Du moins, vers l'endroit où il pensait trouver Gary. Mais son coéquipier n'y était pas. Il fallut quelques secondes à l'espion pour comprendre que le gangster était au sol, agonisant. Il avait été touché par la rafale de l'homme de main.

Affolé, Bishop vint vers lui. Gary lui lança un regard désespéré, voulant s'accrocher aux derniers instants qui lui restaient à vivre. L'agent français examina rapidement son compère. Il avait reçu plusieurs balles, son état était grave. Il ne survivra pas.

- Jérem'... Murmura Gary. Quel merdier...

Des bruits de pas se firent entendre. D'autres hommes de Vinheiro accouraient. Lucien planta ses yeux dans ceux de l'homme avec qui il avait été le plus proche au cours de ces derniers mois. Une expression peinée s'afficha sur son visage. Il répondit :

- Reste tranquille, Gary. Ça va aller.

Les premières paroles que Bishop avait adressées à cet homme étaient des mensonges, les dernières aussi. Il s'éloigna de son collègue, un pâle sourire se voulant rassurant. Il ramassa son arme, traîna les corps dans l'allée afin de les mettre à l'abri de la lumière. Il jeta un dernier regard vers Gary qui vivait ses derniers instants. Puis il reprit sa route, abandonnant le gangster.

Bishop avait perdu du temps lors de cet affrontement. Aucun espoir de rattraper les véhicules de Vinheiro, comme il l'avait espéré. Quitte à perdre sa couverture, autant chercher à en savoir plus à son sujet. Mais pour l'instant la seule possibilité qui s'offrait à Lucien était de fuir le port. Il continua sa course jusqu'à atterrir sur un quai. Zut ! Il s'était perdu. Il était censé arriver à l'entrée du port, et voilà qu'il était toujours coincé au beau milieu de celui-ci. Comble de malchance, voilà que les hommes de main à ses trousses arrivaient, et qu'ils l'avaient repéré. Une seule issue : l'eau glaciale.

Alors que Lucien allait plonger, il s'immobilisa. La clé USB ! S'il plongeait, il risquait de perdre toute les données qu'il avait stockées depuis cinq mois. D'un autre côté, s'il la laissait ici dans l'idée de revenir plus tard, les hommes de Vinheiro risqueraient de s'en apercevoir. Mais les tirs qui lui étaient destinés forcèrent Lucien à prendre une décision. Il se jeta à l'eau. Un cri faillit lui échapper lorsqu'il ressentit la brûlure d'une balle venant se loger dans son épaule. Le choc glacial avec l'eau du port acheva de le surprendre. Il se débattit tant bien que mal afin de remonter à la surface. Il avait envie de crier sa douleur, mais ne pouvait se le permettre. Les deux hommes arrivèrent au bord du quai, afin de vérifier qu'ils avaient bien abattu leur cible. Lucien replongea alors dans l'eau, nageant le plus profondément possible, malgré son bras blessé.

Bishop devait fuir, partir d'ici au plus vite. Il espérait que le courant aller le mener loin de ses poursuivants et qu'il parviendrait à passer pour mort auprès des hommes de Vinheiro. Ensuite... Ensuite, il verra bien.

Les hommes d'Otto avaient tué tout les hommes du Cosa Real présents ce soir là sauf un. Il avait réussi à s'échapper en sautant dans l'eau. Les hommes de mains du SPECTRE tirèrent sur lui, mais ne retrouvèrent pas le corps. Il avait disparu, peut-être avait-il survécu ? Ils retrouvèrent alors voir leur chef qui n'attendait plus que ses hommes pour quitter les lieux. Beaucoup étaient mort à cause d'un agent secret de la DGSE.

Alors mes enfants, avez vous fait du bon travail ?

Mentir est maintenant la seule solution pour les hommes de Vinheiro. Ils avaient énormément de respect pour ce trafiquant de drogues, mais ils savaient que l'organisation S.P.E.C.T.R.E ne tolère pas les échecs. Avoir laissé un homme du Cosa Real s'enfuir est un échec pour eux. Alors un des hommes d'Otto lui affirme que tous sont morts. Satisfait, le trafiquant et ses hommes quittent les Docks avec la drogue et l'argent. L'organisation terroriste ne pourra pas suivre le plan qui été prévu, mais récupère quelques bénéfices de cette fusillade entre les deux organismes.

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Le lendemain matin, les bureaux de la DGSE reçoivent des nouvelles de leur agent parti en mission depuis plusieurs mois. Il allait être rapatrié en France au plus vite, mais il avait demandé à savoir quelques infos sur les arrivées à l’aéroport de Sydney. Vinheiro ne vient pas d'ici mais d'Amérique Latine. Il devait connaître les vols en provenance d'Amérique qui sont arrivés hier soir. Les informations furent dures à trouver mais les services secret français réussirent à obtenir ce qu'il voulait...